Succession : La réserve héréditaire est-elle amenée à se renforcer ?

Succession : La réserve héréditaire est-elle amenée à se renforcer ?

 

Vous pouvez en théorie disposer librement de votre patrimoine pour le transmettre à vos héritiers. Cependant le Code civil a instauré un garde-fou appelé la réserve héréditaire qui réserve une partie de son patrimoine à certains héritiers désignés par la loi.

Alors qu’elle était sur la pente descendante depuis quelques années, la réserve héréditaire semble reprendre des forces dans la loi française avec un projet de loi déposé le 9 décembre 2020.

 

Qui sont vos héritiers réservataires ?

 

Les premiers réservataires sont vos descendants c’est-à-dire enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants, sous condition qu’ils soient appelés à succéder.

Ce ne sera pas le cas par exemple pour un petit-enfant lorsque l’enfant est appelé à la succession.

Bien entendu, si un héritier renoncer à succéder, alors il n’est plus héritier réservataire.

Dans le cas où aucun descendant ne succède, soit parce qu’il n’y en a pas, soit parce qu’ils ont tous renoncé, alors le conjoint devient lui-même héritier réservataire.

La part réservée dépend du nombre de descendants appelés à succéder.

 

Récapitulons tout cela :

 

NOMBRE DE DESCENDANTS APPELES A SUCCEDER HERITIER RESERVATAIRE POSSIBILITE DE DONNER OU LEGUER LIBREMENT
0

 

 

Le conjoint pour 1/4 ¾ du patrimoine
1

 

 

Le descendant pour ½ La moitié du patrimoine
2 Les 2 descendants pour 2/3 soit 1/3 par descendant 1/3 du patrimoine
3 ou plus Les ¾ du patrimoine répartis entre les descendants

 

¼ du patrimoine

 

Peut-on dépasser cette réserve héréditaire ? Absolument, vous pouvez tout à fait donner la totalité de votre patrimoine à une personne déterminée même en présence d’héritiers réservataires.

Cependant, le successeur aura au-dessus de sa tête une épée de Damoclès : l’action en réduction. Intentée par les héritiers réservataires, elle permet de demander la réduction des dons et legs consentis en violation de cette réserve héréditaire. L’héritier qui a été gratifié de manière excédentaire devra alors restituer une partie de la succession.

La réserve héréditaire se calcule non seulement sur le patrimoine au moment du décès mais aussi sur toutes les donations effectuées de son vivant. Attention à bien prendre en compte toutes les conséquences d’une donation avant de l’effectuer.

 

L’assurance-vie, une situation à part, mais néanmoins encadrée

 

Si tous les biens sont réintégrés dans la masse successorale pour calculer la part de chacun, l’assurance-vie semble pour le moment épargnée et ne pas intégrer la succession. Quelques exceptions cependant sont prévues et rappelées par la Cour de Cassation :

  • Si le montant des primes est excessif par rapport au patrimoine et la situation du souscripteur. Cette notion floute tous les professionnels puisqu’elle n’est pas quantifiée. Il faut cependant supposer que mettre la majorité de son patrimoine en assurance-vie pourrait sembler excessif. Mais le débat reste ouvert…

 

  • Si le contrat est requalifié en donation indirecte. C’est pour cela que de nombreux assureurs rejettent la souscription à un âge avancé. L’aléa (le moment du décès) doit toujours être présent dans ce contrat.

 

  • Si le contrat est inscrit dans un testament qui ne précise pas qu’il s’agit d’une clause bénéficiaire. Prudence sur ce cas-là, par exemple lorsque vous décidez de « léguer un contrat d’assurance-vie » alors la jurisprudence a souvent tranché en faveur des héritiers réservataires.

 

Si ces exceptions semblent perdurer depuis quelques années, il y a une véritable volonté de certaines instances politiques de réintégrer l’assurance-vie dans la masse successorale, du moins d’un point de vue civil. Cela demande un travail préparatoire colossal sur ce placement qui pèse lourd dans le patrimoine français. Mais ce sujet reviendra probablement sur la table d’ici quelques années.

 

Le casse-tête de la loi étrangère

 

Jusqu’à présent, il semblerait que la réserve héréditaire ne s’applique pas lorsque la succession est soumise à une loi étrangère. Pourtant, cela amène à de nombreux conflits familiaux, dans des affaires parfois très médiatiques.

La jurisprudence a parfois tranché en faveur du lieu de situation de l’immeuble, en s’appuyant notamment sur l’article 3 du Code civil.

Mais en 2015 est entré en vigueur le Règlement européen des successions qui permet de désigner la loi d’un Etat dont on détient la nationalité… Cela complique ainsi les choses pour les héritiers réservataires français qui pourraient se voir déshérités…

 

Un renforcement des valeurs familiales souhaité par la loi française ?

 

L’Etat français souhaite renforcer plus que jamais remettre la réserve héréditaire en avant et a désigné une commission qui étudie la possibilité d’instaurer un mécanisme de compensation lorsque la loi étrangère s’applique.

Pour le moment, l’application ne serait possible que si le défunt ou un des enfants est résident ou ressortissant de l’Union Européenne.

Au-delà de la portée juridique, cela montre surtout que la loi entend protéger les valeurs de transmission familiale et d’hérédité.

C’est d’ailleurs pour cela que la procédure pour que les héritiers renoncent à l’action en réduction est très lourde et peu répandue.

Bien entendu, sans rentrer dans la polémique de savoir si la réserve héréditaire a encore un sens en 2021 ou pas, il est essentiel de détailler plus spécifiquement cette notion qui pose de nombreux problèmes surtout avec l’internationalisation des relations. Faciliter le contournement de la réserve entraînerait probablement des abus, ce qui ne serait pas tolérable pour protéger certains héritiers.

Affaire à suivre…

 

 

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